S’il y a bien une chose à laquelle il ne faut pas se fier ici, c’est le résumé de la quatrième de couverture. J’ai fait l’erreur de croire que j’allais lire une belle histoire d’amour quand j’avais 14 ou 15 ans (oui, à cet âge-là on lit des trucs fleur-bleue…) et c’est sans doute la déception de ne pas la trouver qui m’a fait ressortir de ma première lecture avec une impression négative… Shan Sa nous livre les aventures de deux personnages que tout oppose : leur sexe, leur éducation, mais surtout leur nationalité… Elle a 16 ans et est Mandchoue, il a passé la vingtaine et appartient à l’armée japonaise qui a envahi le pays… Rien ne peut les rapprocher, si ce n’est cette partie interminable de go, sur la place des Mille Vents… Bon, dit ainsi, je me rapproche de la quatrième de couverture et vous annonce presque une belle et grande histoire d’amour. Mais non, ne vous attendez pas à pareille chose, vous seriez déçus ! Difficile d’ajouter quelques phrases de plus pour vous parler de l’intrigue car justement, une « intrigue », on ne peut pas dire qu’il y en ait vraiment une… Par contre, alors que beaucoup des Livraddictiens ont été déçus par le dénouement, c’est une des choses du texte qui m’a plu. Il arrive certes, très rapidement et brutalement, mais je ne pense pas que les choses auraient pu se passer différemment, je ne vois pas de meilleure fin ! En revanche, je suis assez d’accord avec la majorité, pour dire que cette « révélation » finale (je ne peux pas trop en dire pour ceux qui n’ont pas lu le texte) arrive comme un cheveu sur la soupe ; peut-être pour « alléger » cette fin tragique et lui donner une autre dimension ?
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L’intrigue n’est pas des plus développée mais, ce qui importe surtout à mon avis, c’est l’évolution des deux personnages dans leur « univers » respectif. On suit la jeune adolescente à travers la ville et à travers ses rencontres ; on la voit mûrir en l’espace de quelques semaines. Quant au soldat japonais, on le suit à travers ses missions ; mais j’avoue que ses états d’âme m’ont moins « passionnée » que ceux de la jeune fille. Finalement je me rends compte que je me suis très peu attachée aux deux personnages principaux (peut-être est-ce parce qu’on ne connaît pas leur nom la majeure partie du récit ? C’est un détail mais bon…). Pourtant, l’héroïne plutôt « rebelle », seule femme à accéder au go sur la place des Mille Vents, avait de quoi me séduire ; mais non… j’ai presque ressenti plus d’empathie pour Huong, l’amie de l’héroïne ou pour la sœur de cette dernière, bien malheureuse dans sa vie de femme ; alors que ce ne sont « que » deux personnages secondaires… Quant à Min et Jing, les révolutionnaires qui entrent brutalement dans la vie de l’héroïne, je n’ai pas arrêté de les confondre (à cause des prénoms ?) et je les ai juste trouvé snobs et agaçants ; aucune compassion pour eux. Cette lecture en « spectatrice » est vraiment quelque chose qui m’a gênée car lorsque je lis, j’aime, sinon m’identifier à un personnage, au moins m’attacher à l’un d’entre eux, en tout cas suffisamment pour ressentir quelques unes de ses émotions… Ici, assez peu d’émotions finalement.
Ce qui « sauve » le texte (très court, moins de 220 pages pour mon édition France Loisirs), à mon goût, c’est la plume de Shan Sa, plutôt poétique, douce et agréable à parcourir. Ses phrases sont simples mais directes et parviennent au but, sans aucun problème. Cependant, il y a une petite chose qui m’a plusieurs fois gênée - et apparemment je ne suis pas la seule - : l’auteure (qui écrit directement en français, ce n’est pas une traduction, donc je peux me baser vraiment sur ce que j’ai lu, pour une fois !) lance parfois des mots « crus », des termes qui n’ont rien à faire là, alors que tout le reste de la phrase, et même du paragraphe, est très doux et poétique. Plusieurs fois j’ai ouvert des yeux ronds comme des soucoupes en me demandant si c’était voulu ou si c’était vraiment maladroit… en tout cas, ça casse le rythme de la lecture, et c’est désagréable ! En revanche, j’ai beaucoup aimé la division du récit en très courts chapitres (deux ou trois pages à chaque fois) et l’alternance des points de vue avec ceux-ci (les chapitres impairs sont dédiés à la jeune fille, les chapitres pairs au soldat japonais). Le tout est à la première personne du singulier mais les « univers » respectifs des deux héros sont tellement éloignés qu’on ne peut pas confondre les aventures de l’un avec celles de l’autre ! Mais, pour une fois, la première personne du singulier ne m’a pas aidée à me sentir plus proche de l’une ou de l’autre des figures principales… je suis vraiment restée spectatrice, jusqu’au bout !
Pour terminer sur une note positive, je parlerai du contexte dans lequel l’histoire évolue : la guerre entre la Chine et le Japon, dans les années 30. Ce n’est pas une période historique et un contexte géographique que je connais (et à mon avis, nous ne sommes pas très nombreux à en savoir beaucoup là-dessus, sauf les spécialistes et les passionnés ; et je ne suis ni l’une ni l’autre !) donc j’étais ravie de découvrir tout ça et j’ai aimé me plonger là-dedans. Mon édition (France Loisirs) contient quelques notes de bas de page qui permettent de mettre en place quelques éléments de bases (la généalogie rapide des empereurs chinois par exemple…), sans nous étouffer sous un trop grand nombre d’informations. Malheureusement, je ressors de cette lecture sans en savoir bien plus sur cette guerre (les actions du récit se déroulent sur le territoire chinois, en Mandchourie) ; et même si je sais que ce n’était pas le but de ce récit, je suis un tout petit peu déçue. On pourrait également s’attendre à avoir, sinon une explication franche, au moins quelques pistes sur l’art du jeu de go… mais non ; pas grand-chose à se mettre sous la dent. On sait juste que ça se joue à deux, sur un damier, avec des pions noirs et blancs ; que les parties peuvent durer très longtemps et qu’il faut être dotée d’une certaine stratégie pour s’en sortir… Pour le reste, il faut faire des recherches sur internet !
Pour conclure, un avis mitigé. C’est une « assez » jolie lecture, mais il n’y a rien eu pour que ce soit un coup de cœur, ou juste une lecture au dessus des autres. C’est sympathique mais sans plus, et je pense, qu’une nouvelle fois, j’aurai vite oublié de quoi il retourne… Et qu'est-ce que j'ai peiné à l'écrite ce billet... Pfffiouuu. Désolée s'il est plus brouillon et moins "convaincant" que d'habitude, mais j'ai vraiment eu du mal !
Les Petits [+] : Un contexte (la guerre entre la Chine et le Japon dans les années 30) qu’on ne connaît pas vraiment et qu’on n’a pas l’habitude de trouver dans la littérature (enfin, à ma connaissance…). Une façon d’approcher en douceur la « littérature asiatique », de découvrir un petit peu les us et coutumes de l’époque et de se familiariser un peu avec la culture. Un style plutôt doux et agréable (la plupart du temps !) donc ça se lit vite et bien. Des chapitres courts qui permettent une alternance des points de vue, c’est une approche intéressante.
Les Petits [-] : Très peu d’empathie pour les deux personnages principaux, ça m’a manqué. Parfois des termes inadaptés lancés par l’auteure sans raison apparente dans des phrases pourtant très poétiques ; c’est déstabilisant ! Une légère déception, je n’ai rien trouvé d’extraordinaire dans ce texte, c’est « sympa », mais sans plus !
D'autres avis : Cocola, Elora, Evert, Frankie, Galleane, Lexounet, Leyla, Livraison, Liyah, Lounapil, Mélusine, Mina, Stieg.
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